« Eh oui, mes bien chers frères… vous l’avez remarqué. Chaque voix qui s’élève sous le porche et dans la nef de cette cathédrale obtient un écho qui l’amplifie… Elle arrive plus forte aux oreilles du Seigneur ! »
Le prêtre repose ses mains sur le pupitre et tend l’oreille en penchant la tête, comme pour vérifier si la dernière cascade de mots qui ricochent sous la voûte montent bien jusqu’au ciel.
« Ahah ! il y croit toujours, le curé ! dit Eléonor très fort dans mon cou. Et pourtant, le vieux barbu, là-haut, a autre chose à faire qu’écouter nos prières. D’ailleurs, à la première volée de cloches, il s’est bouché les oreilles avec des boules de cire pour ne plus entendre les bruits d’en bas. Regarde ! Installé à la romaine sur son divan moelleux, il gobe les raisins d’or qu’une servante laisse pendre au-dessus de sa bouche… Comme le pompon à portée des enfants, sur les chevaux de bois. Et de l’autre main... regarde, regarde ! Il caresse la croupe offerte d’un ange à peine nubile ! Tu ne crois quand même pas qu’il a le temps de s’intéresser à nos misères, en haut de son nuage ! »
« Tu blasphèmes, diablesse, tu blasphèmes ! »
La voix de la vieille femme qui désigne mon amie à la vindicte des paroissiens jaillit tellement perçante que l’assemblée entière se retourne vers elle. Le clerc en robe blanche sursaute devant son lutrin. Bien évidemment, la voûte de la cathédrale ne manque pas de renvoyer, comme un reproche supplémentaire, l’écho de son dernier mot… « blasphème, blasphème, blasphème… » Pour sûr, Dieu ne va pas manquer de s’inquiéter !
Pardon pour cet ange volé sur le web ! Et Joyeux Noël !