Tout le monde aime la mer. L'eau tiède et le sable chaud, les vagues qui t'éclaboussent et parfois te roulent avant de t'emporter. L'écume qui reste sur ta peau et laisse éclater ses bulles. Mais pour moi, la mer c'est aussi un pont. Un chemin vers les étoiles lointaines qui se reflètent dans l'eau comme des diamants. Une masse bleue, ou verte, ou grise, grouillante de vie et de rêves. Les rêves des terriens qui n'ont jamais osé aller dessus. Les rêves des marins qui ne sont pas encore allés assez loin !
1834, entre la vallée du Scorff, en Bretagne, et les îles de Guadeloupe.
Emma et Yannig, orphelins en fuite. Ilan le mousse, Tao, matelot.
Des trafiquants, des pirates.
Des belles rencontres, des douloureuses aussi...
Bon vent et bonne mer, que l'aventure vous emporte !
Automne à Montségur.
Sous la surveillance du Pic de Saint-Barthélémy déjà enneigé et, sur le Pog, du château toujours vaillant, les merisiers en robe rouge et les érables dorés.
Le chant des cloches des vaches grimpent jusqu'au ciel.
Quand je me lance dans l'écriture d'un nouveau roman, c'est un peu comme si je prenais un escalier en colimaçon qui s'enfonce dans les profondeurs d'un château fort. Tout en haut, une meurtrière illumine les marches, puis le tube devient de plus en plus sombre. Chaque marche sur laquelle je pose mon pied promet une nouvelle marche. Parfois l'escalier s'arrête et je dois faire le tour d'une salle à tâtons pour trouver un passage. Pour choisir une issue. La sortie vers un autre escalier, vers une autre salle peut-être éclairée par un puits profond, vers une grotte où scintillent des gouttes d'eau à l’extrémité de stalactites roses. Pour le moment je descends lentement l'escalier...
(Photo Daniel Pagés, Château de Quéribus, 07/03/2018)
Lundi 13 novembre 2017. Le prof vient d’écrire la date en haut du tableau blanc pendant que chacun pose son blouson et sort de son sac le matériel nécessaire.
Premier cours de la semaine.
On commence par l’Histoire.
Le brouhaha se dissout dans l’air surchauffé sous le regard patient de l’enseignant. Les dernières conversations disparaissent.
— Pour commencer, ce matin, et avant de reprendre sur la Révolution américaine, je voulais vous poser deux questions.
Les yeux qui s’étaient déjà enfuis par les larges baies vitrées à la poursuite des dernières feuilles filant dans les rafales de vent, reviennent se fixer sur monsieur Chauvet et son sourire énigmatique.
Ça y est, il a piqué leur curiosité. Il adore procéder comme ça. Ça fonctionne à tous les coups. Le plus dur, c’est qu’il faut changer de technique souvent pour ne pas perdre la bonne moitié qui trouve très vite autre chose à penser.
Il fait le tour de la classe pour laisser planer le suspense puis démarre :
— L’un d’entre vous peut-il, en quelques mots, me parler de la Première Guerre mondiale ?
Un doigt se lève, puis deux, puis quelques uns plus timides. Le regard du prof fait le tour des autres. Les yeux se baissent. Quelques doigts récupèrent des stylos ou feuillettent des cahiers grand ouverts sur les tables.
— Vas-y, Julien ! C’est toi qui as levé le doigt en premier !
Le garçon est au deuxième rang sur la gauche. En se levant pour se tourner vers ses camarades, il vérifie d’un geste que sa mèche ne retombera pas sur ses yeux et jette un sourire complice à Tim, assis à deux pas de lui.
— Oui, M’sieur ! La guerre de 14…
— Oui, vas-y !
— Ben… on peut dire que la guerre de 14… C’est la première guerre vraiment rentable de toute l’histoire !
Toutes les têtes se tournent d’un seul mouvement vers le prof qui se tient les bras croisés devant le tableau. Antoine Chauvet a du mal à avaler l’information. Il cherche désespérément à analyser cette nouvelle approche. La rentabilité des guerres… Comparer avec celles des siècles passés… Tous les yeux sont fixés sur lui. Il doit réagir avant que ça dégénère en chahut. Un débat en perspective ? Il secoue lentement la tête sans dire Bien… Bien ! comme il le fait souvent. Il fait un signe au garçon qui s’assied. Il réfléchit deux secondes. Il s’échappe.
— Et ma deuxième question… plus simple : Pour vous, que représente la journée du 11 novembre ?
Les élèves se regardent. Le 11 novembre. C'était il y a deux jours. Un jour férié qui tombe un samedi, cette année. Pas marrant. Un jour de vacances perdu. Des cérémonies à la télé.
Les doigts peinent à se dresser.
— Solenn !
La grande fille que monsieur Chauvet invite à s’exprimer est tout au fond. Elle a des cheveux blonds relevés et attachés derrière sa nuque. Une enfant sage. Une bonne lectrice. Une élève discrète qui ne pose pas de problème. Ses notes sont bonnes et elle participe normalement. Antoine Chauvet s’est demandé plus d’une fois si elle ne faisait pas autre chose pendant son cours. Elle écrit beaucoup dans un carnet. Mais comme elle suit normalement et écoute au moins d’une oreille, il n’a pas cherché plus loin. Il serait bien heureux d’en avoir vingt-six comme ça. Ça lui simplifierait la vie.
— Donc, Solenn, que représente la date du 11 novembre pour toi ?
Tous les yeux l’interrogent. Elle s’est levée et s’appuie des deux mains sur sa table, réfléchit un instant et se lance :
— Le 11 novembre, c’est un anniversaire.
Elle regarde intensément le prof qui acquiesce d’un air encourageant et attend la suite.
— C‘est l’anniversaire du premier jour de vacances des marchands d’armes au début du siècle…
Un murmure sourd parcourt la classe et toutes les têtes se retournent vers le prof en attente de la réaction. Mais celui-ci ne se laisse pas démonter et lui sourit en pesant sa réponse.
— Tu as raison… Tu as raison, mais leurs vacances n’ont guère duré plus d’une semaine !
Les goélands étaient posés, immobiles, dans le champ sur le côté de la maison de pierre grise et n’eurent pas un sursaut quand Lena tapa ses pieds avant d’entrer. Marie-Anne, sa grand-mère sortit dans le vestibule et regarda la mer par la porte restée ouverte.
— Ils ont annoncé du vent, un bon coup de vent pour cette nuit. Rentre vite te mettre au chaud !
La jeune fille lui sourit en déroulant son cache-nez et en ouvrant son manteau. Elle se pencha pour enlever ses chaussures puis la suivit dans la grande pièce où ronflait le feu dans la cheminée. La chaleur la saisit, brûlant ses joues, et elle se rendit compte qu’elle suait. Elle avait marché à vive allure à travers sable et rochers, tout au long des deux kilomètres qui séparaient le village de la vieille maison. Elle avait ainsi réussi à échapper aux premiers des nuages gris qui montaient du sud-ouest et portaient assurément la pluie et la tempête. [...]
Dans la nuit, ce ne sont pas les cris aigus des oiseaux ni les hurlements de la tempête qui réveillent Lena. Du haut de sa tour qui s’agrippe à la maison plantée sur le granit, ses yeux fouillent en vain le noir. L’océan, certes, gémit, le ventre lourd de trop de peine. Mais au petit matin, dans l’anse où se mélangent algues et déchets, les cris se font plus pressants. « Vite ! » lui souffle un mystérieux vieil homme. La jeune fille va découvrir dans l’écume et les algues un secret qu’elle partagera avec son ami Erwan. Celui de l’exceptionnelle relation qui la lie à la mer et à ceux qui vivent dans les flots.
Illustrations couverture et dessin intérieur : Auriane Laïly
Broché, 12 x 19, Yucca Éditions, 120 pages ISBN : 979-10-94140-37-6, 8 €
Roman d’aventure jeunesse, à partir de 9 ans, CM et collège Bretagne, 2017, océan, pêche, pollution, dauphins, amitié Notes de bas de page, dossier en fin d’ouvrage. Dossier pédagogique téléchargeable gratuitement sur le site éditeur.
Quai Malbert, à Brest, la belle Recouvrance a laissé un grand vide. Tant pis, je ne pourrai pas la saluer aujourd'hui, mais je suis heureux pour elle : elle profite du vent pour faire chanter son gréement, et des vagues pour danser sur l'océan ! En haut, devant le chantier du Guip, des vieilles coques attendent d'être restaurées. Elle rêvent de s'enfuir dans la brume, de retourner voir les îles...
Avec une pensée affectueuse pour Jo. À bientôt à Saint-Malo !
L'écriture d'un livre est un acte éminemment politique, au vrai sens du terme. À l'intérieur, on lit en filigrane la vision du monde que porte l'auteur. La liberté, l'ouverture d'esprit, l'égalité et la solidarité fraternelle sont au creux des miens, j'espère.
Pas sûr que ces valeurs soient très "marketing". Le cours de l'égoïsme et de la haine est au plus haut, en ce moment.
Tant pis, au moins, j'ose me regarder dans la glace, chaque matin.
Photo : Dessin dédicace sur Clara des Tempêtes Auriane Laïly, Salon du livre 2012, Somain
J’aimerais retrouver les petites fleurs du printemps qui se cachent pour échapper aux bombes, aux poisons, à la lame des bulldozers et aux mains arracheuses des ogres.
Un petit port, un village blanc niché dans un creux de la côte du massif du Cap de Creus. Là où les Pyrénées enfoncent un poing dans la mer.
Du temps où j'emmenais des gens en croisière vers la Costa Brava et les Baléares, c'était l'étape obligée. L'escale du samedi soir au calme. Le dépaysement à trois heures de voile de Banyuls.
De ce côté là de la frontière, il y a toujours un marinero qui s’approche sur le quai quand ton voilier pointe son étrave vers le calme. Et de calme, on en a souvent besoin dans un coin de Méditerranée qui détient le record de France du nombre de coups de vent sur une année.
L’un des marineros qui attendait mon amarre me regardait souvent avec un peu de perplexité. Il me prenait manifestement pour un fou à naviguer avec une mer et un vent pareils. — Tu devrais venir naviguer chez moi ! Au moins, là-bas, c’est toujours calme et les gens n’ont pas peur sur les bateaux, m’a-t-il confié un jour avec un air très sérieux, après avoir resserré mes aussières. — C’est où, chez toi ? ai-je demandé, même si la manière dont il mangeait ses mots laissait présager qu’il venait de très loin, dans le sud.
Pendant ce temps, mes passagers sautaient sur le quai, retrouvant avec bonheur la terre ferme, et se précipitaient vers l’eau douce et chaude des douches.
— Sevilla. — Sevilla, c’est pas vraiment la mer… je lui ai répondu avec mon sourire le plus désolé. Il a posé sa main sur mon avant-bras et s’est mis à rire. — El Guadalquivir, hombre ! Justement ! Il n’y a pas de vagues et il fait chaud ! Tes clients sont toujours contents !
Une éternité que je ne suis pas arrivé à Port de la Selva dans un coup de vent. Le marinero andalou a dû prendre sa retraite, chez lui, au chaud. Là où il n’y a pas les embruns levés par la tramontane qui te blanchissent de sel. Là où le soleil se couchant sur le grand fleuve te fait penser à tous ces navigateurs fous de leurs rêves qui sont partis à sa poursuite sur l’océan.
(Spécial dédicace à mon amie Jessica, spécialiste de frites et de chocolat, à qui j’ai promis un post sur FessesDeBouc qui donnerait le sourire...)
Photo : Polynia (bandes rouges) et son skipper à Port de la Selva, 1999