Dans les gris de Port Vendres gris ciel gris quai gris mer une montagne de couleurs.
Filets rouge sang rosés ou orangés
filets jaunes filets bleus ou verts filets lie de vin...
Réserve d’arcs en ciel .
Tout le monde aime la mer. L'eau tiède et le sable chaud, les vagues qui t'éclaboussent et parfois te roulent avant de t'emporter. L'écume qui reste sur ta peau et laisse éclater ses bulles. Mais pour moi, la mer c'est aussi un pont. Un chemin vers les étoiles lointaines qui se reflètent dans l'eau comme des diamants. Une masse bleue, ou verte, ou grise, grouillante de vie et de rêves. Les rêves des terriens qui n'ont jamais osé aller dessus. Les rêves des marins qui ne sont pas encore allés assez loin !
Dans les gris de Port Vendres gris ciel gris quai gris mer une montagne de couleurs.
Couleur coup de vent de sud-est. Couleur tempête. Ciel gris et nuages sombres. Flots boueux. Vagues café au lait tiède. Mousseux. Toute trace de bleu a disparu. Pourtant, ici, le bleu est difficile à effacer.
La Méditerranée s’est énervée contre la terre. Elle a mâché le bois que les fleuves lui ont envoyé. En a rempli les ports. En a couvert les plages. À Collioure, elle fait encore le siège du Château Royal.
Hier, elle a lancé un assaut contre la ville. Ses machines de guerre ont battu le front de mer de galets comme autant de boulets de pierre grise. Elle a percé les défenses pour atteindre la rue proche.
Mais comme toute bonne Méditerranéenne, la mer se calme aussi vite qu’elle s’est mise en colère. Demain déjà, le vent de terre fera disparaître son haleine chaude et humide. La tramontane aplatira ses rondeurs. Rafraîchira ses eaux. Leur rendra leur transparence. Remplacera les gris par des bleus limpides. La lumière qu’ont tant aimée les grands peintres reviendra sur Collioure.
[...] Un autre incident plus récent avait fait tache dans les mémoires. Mêm e s’il avait été soigneusement caché par l’Administration, les deux marins accompagnant la relève n’avaient pas su tenir to ut à fa it leur langue.
Trois ans auparavant. Le père Joseph venait de passer sa dernière semaine sur l’île. Le canot allait l’embarquer en apportant son remplaçant. Le vieux gardien les attendait, droit comme un menhir, dans la grande salle, à côté de ses deux valises et d’un sac de marin qui datait de son service militaire dans la Royale. Le visage fermé. Il avait suivi les hommes jusqu’à l’embarcadère d’un pas hésitant.
Mais au moment de grimper dans la chaloupe, il avait jeté à terre son bagage et s’était enfui en courant droit vers la mer. Là, il avait pénétré dans l’eau glacée en marchant aussi vite qu’il l’avait pu et s’était mis à nager tant bien que mal vers le large. Il avait disparu derrière les rochers avant que les deux hommes abasourdis n’aient pu manœuvrer leur embarcation pour le repêcher. L’océan n’avait jamais rendu son corps.
C’est depuis cet épisode que dans la bouche des gardiens, quand on parlait de l’île noire, on entendait souvent l’île maudite. [...]
Le dernier gardien, (page 24-25). Extrait de L'île secrète, recueil de trois longues nouvelles, à paraître aux éditions L'Ametlièr début 2011.
Ouessant la sauvage. Ouessant des brumes...
Au creux de la nuit, le Creac'h lance son cri lugubre. Le grand phare hurle d'une voix qui convient à sa stature. Une voix basse et puissante. Distribuée par le vent sur l'île entière. On l'entend peut-être du continent. Peut-être jusqu'à l'Amérique lointaine.
Au loin, la Jument lui répond. Elle a une petite voix, la belle, avec la distance. Isolée sur son caillou. Encerclée de courants pareils à mille fleuves tumultueux, elle s'époumonne.
Leur discussion perce sans relâche la brume épaisse qui efface leur oeil rassurant, les nuits de cauchemar.
Ombre profonde et noire
comme une caverne,
au creux du torrent.
De roche en roche,
musique des cascades.
Parfum
de mousses gorgées d’eau fraîche,
de fougères verdoyantes
finement ciselées,
de champignons en gestation.
Refuge
pour un temps
du chant des oiseaux,
fuyant
la fournaise
d’une après-midi d’été.
Si vous grimpez tout en haut de la pointe, vous l’apercevrez au loin. Ceinturée de noir, quand la marée court vers le large. Au point que tout le monde a oublié son nom et l’appelle l’île noire.
Émaillée de taches blanches. Les goélands y passent leur journée, chaque fois que le dur vent d’ouest les laisse tenir debout.
La côte au noroît est découpée comme une mâchoire un peu dégarnie qui ne posséderait que des canines. Des millions d’années de vagues ont attaqué le granit. L’ont tordu. Déchiré. Affûté.
Du continent, vous ne verrez pas la pente verte qui glisse vers quelques mètres carrés de grossier sable gris et de galets ronds que n’ont jamais osé couvrir les laminaires géantes et le varech gluant.
Les houles énormes des grandes tempêtes n’arrivent pas jusque-là, brisées par d’autres écueils, déchirées par d’autres mâchoires. Mais les vagues courtes se font cassantes dès que le vent se lève, la mer blanchit et les rocs chassent vers le ciel des gerbes d’eau écumeuse.
Certaines nuits d’hiver, les embruns planent sur toute l’île. Seule reste alors au sec la tête illuminée du phare qui fait tourner son œil géant pour effrayer les navigateurs et les éloigner de ses eaux recelant mille écueils cachés. [...]
Premières lignes d'un livre à venir... à paraître à l'automne
Il s’est incliné bien bas, le petit homme. Quarante cinq degrés ont dit les journaux. L’angle de son admiration. Il ne pouvait décemment se plier davantage. Les mauvaises langues auraient pu écrire qu’il s’intéressait au brillant des chaussures de son hôte ou qu’il cherchait les talonnettes. Voire pire.
En face, lunettes dorées et sourire figé. Guère plus grand, pourtant. Une statue de marbre. Image de puissance. Presque un milliard et demi d’hommes et femmes. Une main de fer qui les serre à la gorge. Qui ne desserre jamais son étau. Une main douce et manucurée qui secoue longuement sa main tendue.
Fascination. Le petit président n’arrive pas à maîtriser ses soixante millions de compatriotes. L’autre, en face, en terrorise vingt cinq fois plus. Ici, dans ce bout du monde, un mot de trop mène son auteur dans une geôle sombre pour des années. Une balle dans la nuque au petit matin. Facture à la famille. Ici, on peut torturer dans les postes de police de campagne. Les problèmes de confort durant les garde-à-vue… quelle rigolade ! On massacre. On écrase un peuple entier, au Tibet…
Le petit homme rêve. Un jour, peut-être, en France, à force de manipulation… Les faire taire. Leur apprendre le respect. La discipline. À coups de fouet. Leur faire payer leurs caricatures. Leurs sarcasmes. Comme l’autre, en face qui cache sa puissance derrière l’or de ses lunettes et son maquillage discret. Un jour, sûrement…
L’artimon du Belem
Nous montre les étoiles
Que tant d’hommes ont suivies
Vers les pays de l’or.
Ils rêvaient jour et nuit,
En déployant leurs voiles,
La faim au creux du ventre,
De fabuleux trésors.
Concarneau, 16 avril 2010
Vous connaissez tous l'amiral Nelson . Le héros britannique fut tué à la bataille de Trafalgar, au sud de l'Espagne... Un tel marin ne pouvait pas être rendu à la mer après son trépas. Son état-major décida donc de rapatrier son corps à Londres pour lui offrir des funérailles nationales. Bien évidemment, à l'époque, l'on ne disposait pas à bord de chambre froide qui aurait pu servir à conserver la dépouille mortelle de l'Amiral. On utilisa les moyens du bord. Le charpentier fabriqua un cercueil bien étanche où on installa le cadavre. Et on le remplit à ras bord de rhum avant de le refermer.
Cette technique de conservation est des plus efficaces et on l'utilise encore dans certains laboratoires. Des plus efficaces, certes, mais on avait oublié un paramètre. La soif de l'équipage !
Une nuit, les hommes firent un trou à mi-hauteur dans le cercueil et recueillirent le précieux liquide qui s'écoulait pour le boire... Une nuit suivante, c'est dans le fond, qu'ils firent un trou... Si bien que quand le pauvre Nelson fut débarqué à Londres, une forte odeur de décomposition suivait le cortège. Il ne restait plus dans le cercueil, et depuis longtemps, une goutte de rhum !
Le vent a tourné. La grande houle du large continue à attaquer le granit de la côte. Sans relâche, elle mord. Ronge. Mais la vieille roche en a vu d'autres. Elle fait le gros dos et attend des jours meilleurs...
Pors Carn et La Torche, vendredi après midi
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