Si vous grimpez tout en haut de la pointe, vous l’apercevrez au loin. Ceinturée de noir, quand la marée court vers le large. Au point que tout le monde a oublié son nom et l’appelle l’île noire.
Émaillée de taches blanches. Les goélands y passent leur journée, chaque fois que le dur vent d’ouest les laisse tenir debout.
La côte au noroît est découpée comme une mâchoire un peu dégarnie qui ne posséderait que des canines. Des millions d’années de vagues ont attaqué le granit. L’ont tordu. Déchiré. Affûté.
Du continent, vous ne verrez pas la pente verte qui glisse vers quelques mètres carrés de grossier sable gris et de galets ronds que n’ont jamais osé couvrir les laminaires géantes et le varech gluant.
Les houles énormes des grandes tempêtes n’arrivent pas jusque-là, brisées par d’autres écueils, déchirées par d’autres mâchoires. Mais les vagues courtes se font cassantes dès que le vent se lève, la mer blanchit et les rocs chassent vers le ciel des gerbes d’eau écumeuse.
Certaines nuits d’hiver, les embruns planent sur toute l’île. Seule reste alors au sec la tête illuminée du phare qui fait tourner son œil géant pour effrayer les navigateurs et les éloigner de ses eaux recelant mille écueils cachés. [...]
Premières lignes d'un livre à venir... à paraître à l'automne