Juin 2005. Une cala déserte au nord de l’île de Menorca.
Nous sommes en train de prendre un petit déjeuner froid, assis sur un caillou dominant la mer. Un mouvement en zigzag dans l’eau, en contrebas, à quelques mètres de la petite plage. Un poisson qui chasse ? Assez gros, alors. Et qui se déplace avec des à-coups. Nous descendons avec précaution. Ne pas donner l’alerte.
Rouge. La bête est rouge. Mais ce n’est pas un poisson. Un calamar de belle taille. Notre arrivée sur le sable n’a pas l’air de le déranger. Il continue sa poursuite. Mon vieil instinct me pousse dans l’eau. Je me positionne pour lui barrer le passage vers le large. Il panique un peu en découvrant la présence de cet animal étrange. Ses énormes yeux cherchent une issue. Il se dirige sur ma gauche. Pas de chance pour lui, c’est un cul-de-sac ! Coincé. Encerclé par des roches basses. Plus assez d’eau pour que sa propulsion soit efficace.
Je me jette sur lui, et saisis son corps des deux mains. Ne pas mettre mes doigts à portée de sa bouche, son bec est dangereux. Mais la bestiole n’est pas décidée à se rendre. Elle retourne ses tentacules vers mes bras. Le contact est rude et surprenant. Je lâche l’animal qui retombe dans la flaque qui l’a pris au piège.
Je souffle, j’y reviens. Le récupère solidement. Il agrippe mes poignets. Ses empreintes circulaires resteront gravées près d’une semaine. Je tiens bon. Il atterrit sur la plage.
Un morceau sur le grill. Pas terrible. Le reste est coupé en lanières, mis à mariner avec de l’ail, de la harissa et de l’huile d’olive. Juste quelques tomates rajoutées. Deux heures de cuisson à mijoter dans la seule casserole dont nous disposons. Sur un feu minuscule de racines de romarin.
La nuit est tombée depuis longtemps. Le calamar est cuit. Excellent ! Une bonne partie reste. Encore meilleur froid, le lendemain. Des tapas pour l’apéro du soir, devant un fabuleux coucher de soleil.